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C’était une journée ordinaire et pourtant c’est ainsi qu’ils se rencontrèrent. La bleuté de ses yeux reflétaient un ciel jusqu’alors inconnu de cet être pathétiquement vierge. Vierge de toute expérience, il était tel un trophée parfaitement polis qu’on expose fièrement dans une vitrine, entre quatre murs de verre qui le couperaient de toute réalité. Pourtant, par ses deux iris à priori anodins, elle lui offrait sa première vision du monde. Une sensation de liberté envahit l’homme précédemment bercé d’illusions. Une bouffée d’oxygène salvatrice, ou plutôt créatrice car dans l’univers factice qui fut son quotidien il aurait pu vivre une éternité, dans ses rues aux briques toutes aussi grises les unes que les autres il aurait vu les secondes se multiplier. Ses yeux impériaux d’une Duchesse d’antan se mariaient à merveille avec la finesse de ses contours faciaux sans jamais pour autant distraire les yeux du passant d’un sourire badin qui jamais n’était vaincu de tristesse. Elle était l’une de ces femmes pour qui les poètes et les grands hommes de langues différencièrent la beauté et le charme. Si la beauté de cette délicieuse inconnue n’était que naturelle là où les gens s’attendaient à une beauté superficielle, il ne faisait aucun doute que de son charisme étaient tirés tous les sortilèges de charmes d’autrefois. Sa présence imposait l’admiration et par le silence elle invitait les gens à découvrir une beauté qui aurait pu restée insoupçonnée. Comment diable ce jeune homme aurait il pu échapper à cette bienveillante Gorgone ?
Qu’était-il donc,-lui qui utilisait sa vie en flânant là où le vent l’emportait (et où on requerrait de l’aide)? A vrai dire, il ne se distinguait en rien des autres si ce n’est par le soin dont il faisait preuve pour s’effacer du monde. Tout n’était que discrétion, tapissée dans l’ombre, le besoin d’aider son prochain dominait sa vie, sans jamais s’exposer ni même réclamer quoique ce soit de cette aide fournit. C’était un homme de vingt trois ans vivant pour les autres dénué de toutes envies personnelles. Il était la page blanche que l’écrivain cherche à combler, un monde naïf sur lequel se bâtiraient des poèmes. Les lèvres de la Belle s’écartèrent infiniment, une ouverture savamment préparée afin de ne pas dévoiler tous ses atouts, et de cette brèche sortirent d’invisibles mots. Si le cœur voyait ce qui échappait aux yeux, il en fut de même avec ce qui échappait aussi bien à la raison qu’à l’ouïe. Elle tirait les files de ce Pinocchio improvisé, elle était la plume de Vivaldi parcourant instinctivement la portée, l’Aphrodite inspirant quelques vers de Virgile.
Pourtant cette magie pris rapidement fin, trop hâtivement, trop naïvement. Il aurait pu s’exiler dans les yeux de cette inconnue, y placer son âme et ses rêves mais il préféra l’oublier, retourner comme si de rien n’était dans les illusions environnantes. Si ainsi les choses s’étaient passées, il aurait vécu les joies que procure l’amour et l’amoureux secret aurait fini par s’émanciper de la Belle, voyant de ses propres yeux la réalité. Son salut réside désormais de la passante suivante…la raison n’est pas faite pour dominer continuellement les émotions.