Et le silence fut... La bouche s'ouvre, les mots s'étranglent, le corps avance, l'esprit recule.
Cette sensation de perdition qui m'envahit alors que toutes autres émotions semblent m'avoir quitté... Tout ce que je touche a la même texture, la même température, la même expression...mes oreilles entendent des bruits, incapable de reconnaître les mélodies de la Vie... mes yeux observent, scrutent, mais ne s'émeuvent plus de rien. Tout m'échappe, me glisse entre les doigts...jusqu'à mon coeur que j'essaie de réanimer manu militari. Rien, pendant des heures, rien d'autre que le silence et son manteau mortel. La vie en noir et blanc, jusqu'à ce qu'enfin, de battre mon coeur à débuter...D'abord de timides percussions, puis de lourds battements aussi pesant que le temps pluvieux... L'euphorie tâte le terrain, un endroit où s'installer momentanément car j'ai du temps à rattraper...aujourd'hui, j'ai oublié de vivre.
Le poids de la fatigue sur mes yeux, le poids des souvenirs sur mon coeur...la bataille n'a pas duré longtemps contrairement à mes vains efforts...impossible de se reposer, impossible de les mettre de côtés...ils réclament d'être archivé maintenant : voila un an que les études sont terminées...
Comme point de repère, la fête de fin d'année, où s'effacent tous les mauvais souvenirs de l'année dans la boisson, les discussions interminables et euphoriques avec tous nos amis (ou presque) réunis en un endroit pour fêter la réussite. Il y a la première année, où on découvre à deux comment se déroule ces études et leur fin d'année. Il y a la seconde fois, celle de trop, celle de la rupture. Et puisque jamais deux sans trois, on y retourne en se disant que ca ne pourra pas être pire que la précédente fois. Le résultat final de la fête est inespéré, entrainant les prolongations : la fête recommencera le lendemain, avec un coeur euphorique et un cerveau ayant compris deux choses : les sentiments sont à sens unique, mais je suis capable de sentiments. Enfin arrive le terme des études, cette fête où l'on regarde tout le monde ainsi que le paysage en se disant : c'est fini, je l'ai ce fichu diplôme! On termine en beauté, une fin heureuse sur les plans professionnels et personnels. Vient l'année sabbatique, cette année qui empêche le bilan, cette année qui absorbe toute l'attention et suscite toutes les craintes. L'année terminée, à plusieurs, on se retrouve à notre ancienne école, même fête, mais les gens ont changé, les gens sont jeunes. L'année de trop sans doute, celle où on remarque que les choses sont bien terminées pour nous ici, qu'il est temps de tourner la page et de recommencer dans une nouvelle école, dans de nouvelles études. On garde nos amis, mais on sait qu'on devra chacun refaire son cercle de "compagnons d'infortune", ces personnes que l'on côtoie de cours en cours, avec qui on est amené à passer du temps à travailler.
De nouvelles nuits blanches, de nouveaux laboratoires, formules et expérimentations. Nouvel environnement, nouvelles pages, nouvelle plume, nouveaux vers... Comme une impression, celle de marcher sur une corde : soit je reste dans la confiance acquise durant cette année "libre" et l'utilise pour survoler le trac...soit je tombe dans la crainte habituelle et normale face à tant de nouveauté et d'inconnues.
Un sentiment de lourdeur, de sentir toute la pesanteur sur mon corps, de souffrir son poids qui tente de m'aplatir, qui m'empêche de pleinement respirer ... l'été s'est bien installé, je le sens sur mes épaules. Les jours se suivent mais l'espoir jamais ne vient : toujours plus chaud, toujours plus lourd, comme si le vent s'était lui aussi caché dans un endroit isolé, un antre glacé.
Et puis je me réveille, le soleil se couche après avoir épuisé mon corps. Mon corps s'endort, mon esprit ressurgit. Alors je déambule dans la ville, errant, le pas lent comme jamais. Je me sens compris, universel, en harmonie avec mon environnement citadin. L'obscurité cache le mépris, la nuit apporte la sérénité. Vagabond nocturne, je retrouve le rêve de mon adolescence : vivre la nuit et le jour dormir. Je cherche aussi dans la fraiche et salvatrice nuit un vent, une odeur salée, une mer qui s'étend loin, plus loin que mes jambes ne pourraient me porter, une quête à jamais inachevée. À défaut du sel, je sens cette odeur sucrée, la magie de la nuit, l'inspiration, libération, le second réveil : celui de l'âme.
L'été s'est implanté...les bourgeons ont éclos
Il y a cette impression, cette sensation qu'elle est toujours près de moi, cachée dans mon ombre, qu'elle m'accompagne et jamais ne me quitte. Et puis il y a cette autre impression, celle de l'avoir anéantie, celle de la victoire laissant place à la tranquillité. Il y eut ces nuits où mon âme se déchirait, où je criais sans qu'aucun son ne sorte...ces nuits où je sentais ses griffes m'étrangler. D'aussi loin que je m'en souvienne, elle s'est imposée à moi, a pris place en moi pour ne jamais repartir. Les deuils sont peut être faits, la Mort est pourtant devenue une inévitable angoisse. Alors j'ai fui, des années durant, j'ai mis un masque et me suis moi-même trompé...jusqu'au moment où elle a décidé de frapper à nouveau.
Il vient pourtant un temps où la fatigue l'emporte et la fuite devient impossible. Rien n'est éternelle, les angoisses n'échappent pas à ce phénomène. Puisque mes pensées ne seront éternelles, je parsèmerai la voie lactée de mes mots, en espérant qu'après moi, ils continuent de briller pour d'autres et si ce n'est le cas, qu'importe, je m'éteindrai le sourire aux lèvres...en paix avec moi-même.